Étapes techniques, contraintes, difficultés, atouts, perspectives… on vous dit tout sur la transformation par les Jardins Garonnais de la parcelle du Canon en micro-ferme bio. Au fil du PAT épisode 2.
photos et reportage Françoise Duret
C’est la plus au sud des quatre parcelles réparties en chapelet à l’est de la Rive Droite qui forment les 9 hectares d’agriculture urbaine du PAT. Le Canon : 15 000 m² situés dans un corridor vert apprécié des chevreuils et des sangliers, entre l’Entre-deux-Mers et la métropole. Un bout de campagne dans la ville.
C’est aussi la seule à avoir déjà été cultivée. Il y a 15/20 ans, dans cette ferme traditionnelle (pour l’époque) on pratiquait la polyculture, du maraîchage à l’élevage, en passant par la vigne. Depuis, les maisons d’habitation et les entreprises se sont rapprochées et le ruban de bitume de la rocade a coupé le site en deux. La Burthe d’un côté, le Canon de l’autre. Une prairie de hautes herbes, un tantinet humide. Une terre « attachante », qui vous avale en deux secondes une paire de bottes.
Un joli potentiel
La parcelle est située à quelques centaines de mètres du domaine de la Burthe à vol de cisticole, et à proximité de zones naturelles vouées à le rester. Un joli potentiel qui ne pouvait échapper à la Ville de Floirac, à Bordeaux Métropole, désormais propriétaire des lieux et au GPV. Elle a également séduit les deux associés des Jardins Garonnais, Syméon Gurnade et Louis-Marie Palué, producteurs certifiés en agriculture bio basés depuis début 2023 à Baurech, à 20 minutes de là.
Cultiver en milieu urbain, approvisionner la restauration collective, travailler en partenariat, sensibiliser et former aux métiers de maraîcher… autant de facteurs déterminants dans le choix de l’installation de ces deux néo-agriculteurs.
Pour un maraîcher, travailler sur deux sites complémentaires limite les risques. À Baurech, tout près du fleuve et en zone inondable, l’irrigation est plus aisée qu’à Floirac. Mais la parcelle floiracaise a aussi des atouts, elle est mieux orientée, sur un coteau baigné de soleil. À Baurech, donc, les cultures d’été, tomates et cucurbitacées. Au Canon, les primeurs d’automne et de printemps, choux, poireaux, ail… (bien qu’il ne soit pas exclu qu’on puisse bientôt y faire pousser quelques tomates.)
Sur le site floiracais, le démarrage de la vente directe en circuit-court* est prévu le 1er juin (voir bas de page), répondant aux attentes sociétales et environnementales de plus d’un citadin.
* La production issue de Baurech est, elle aussi, locale. Elle complétera d’ailleurs celle du Canon pour la vente directe comme pour la restauration collective. La notion de « circuit-court » n’étant pas kilométrique, mais liée au fait qu’il n’y a pas plus d’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur !
2023, « le tour d’échauffement »
Septembre 2023… pas vraiment la période idéale pour démarrer. D’abord, il a fait chaud, très chaud, et sec, très sec, tout l’été. Le travail de la terre a été rendu laborieux. Mi-octobre, la pluie est enfin tombée. Des trombes d’eau, pendant deux mois. Le sol s’est révélé hydrophobe. L’eau de pluie s’infiltre faiblement et, sur le terrain, on barbote.
Et puis, d’ordinaire, septembre est plutôt la période de planification de l’année suivante, la phase de commande des plants et des graines. Heureusement, et c’est la force des Jardins Garonnais, leur ferme de Baurech est aussi une ressource en semences et plants pour Floirac. Et bientôt, vice-versa.
2023 est donc l’année de lancement, le « tour d’échauffement » comme le dit Louis-Marie, où les maraîchers vont apprendre « à apprivoiser le terrain ». Or celui-ci est très contrasté, parfois à quelques mètres de distance.
Le démarrage n’a pas été sans embûches. Une partie de la prairie est occupée par la cisticole des joncs, un passereau protégé. La mise en culture des jardins de plein champ a donc été réalisée sur une partie du foncier seulement. En février, Syméon et Louis-Marie ont obtenu l’accord des services de l’État pour cultiver la totalité de la parcelle, moyennant la sanctuarisation par Floirac d’1,3 hectare à la Burthe pour compenser.
Conséquence du mauvais temps : l’ail et les poireaux ont été plantés tard, avec le risque de voir se développer la rouille. Une chance (celle des débutants, selon Syméon) : la surface de maraîchage est jeune, donc peu exposée aux maladies. De plus, une petite surface en monoculture comme celle-ci évite la propagation des ravageurs. D’autres plants seront mis en culture ce printemps.
Un « verger-maraîcher »
Comme à Baurech, Syméon et Louis-Marie vont développer au Canon un « verger-maraîcher », cousin pas très éloigné de l’agroforesterie, où bandes fruitières et planches de légumes en rotation annuelle voisineront sur une même parcelle. Une pratique qui prévient les attaques de ravageurs, tels que les doryphores, et où la biomasse, l’ensemble des matières organiques produites sur place (broyats de branches, déchets de tonte…) finit par devenir une source d’énergie pour le sol.
À raison d’une surface cultivée pour deux surfaces non-cultivées, le « verger-maraîcher » est à contre-courant de l’agriculture intensive qui exploite et « essore » toutes les surfaces exploitables. Des planches maraîchères spécifiques et adaptées aux besoins des cuisines municipales seront dédiées à la restauration collective locale. Le reste sera mis en vente.
L’objectif : rester dans un modèle de maraîchage à petite échelle, peu voire pas mécanisé, permettant de faire vivre trois associés (Sarah Saint-Mleux, maraîchère à Saint-émilion les rejoindra en 2025). Pour pérenniser une activité maraîchère, mieux vaut avoir un cumul de parcellaires de dimension modeste à proximité les uns des autres plutôt qu’une grande surface : le modèle Baurech-Canon, c’est le duo gagnant !
De gros chantiers à venir
L’hiver et le printemps ont été et sont loin d’être contemplatifs pour les Jardins Garonnais. Premier gros chantier : la pose de clôture et la plantation de haies de séparation avec la parcelle voisine. Composée de végétaux à fleurs et de variétés de fruitiers anciennes et girondines, elle offrira un beau terrain de jeu pour les insectes pollinisateurs et contribuera à préserver la fraîcheur en été.
Autre gros chantier à l’horizon : le montage des serres au printemps 2024. Soit deux tunnels de 4 mètres de haut et d’un peu plus de 1000 m² chacun.
Et puisque le terrain est hydrophobe, et en pente, pourquoi ne pas récupérer l’eau de ruissellement ? Les autorités compétentes ont donné le feu vert pour qu’un bassin de récupération des eaux de pluie soit creusé sur la partie basse du foncier, dans les mois à venir (à suivre dans un prochain épisode.)
En avril, Bordeaux Métropole finalisera la rénovation de la maison, destinée à accueillir Sarah, qui logera sur place. Plus tard, interviendront la démolition et la reconstruction de la grange.
Pour que la ferme soit opérationnelle à 100 %, avec une grange en état et un système d’irrigation opérant, une année de présence et de travail sur le terrain sera nécessaire.
Les Jardins Garonnais vous donnent RDV !
Samedi 25 mai, les Jardins Garonnais organise une opération portes ouvertes dans le cadre de la Fête de la nature de la ville de Floirac.
Samedi 1er juin, ne manquez pas la première vente directe en circuit-court !
Accès : Chemin des Bories à Floirac
Episode 2/10 « Au fil du PAT », reportage de Françoise Duret pour le GPV.
(Re)lire l’épisode 1/10 : Les origines
L’installation des Jardins Garonnais s’inscrit dans la mise en œuvre du Projet Alimentaire Territorial de la Rive Droite et bénéficie à ce titre du fonds « Quartiers Fertiles »
Le Projet Alimentaire Territorial des villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac vise à développer une alimentation saine et durable, accessible à tous. La restauration collective publique, levier majeur de transition alimentaire, est placée au cœur du projet. Coordonné par le GPV, le PAT de la Rive Droite est mené en lien étroit avec le monde de la recherche.
Lauréat des appels à projet « Quartiers Fertile » de l’ANRU et « Mieux manger pour tous » du Ministère des Solidarités.