Le volet agricole du Projet Alimentaire Territorial repose sur un dialogue partenarial entre les Villes et les porteurs de projet maraîcher, appuyé par le GPV et Bordeaux Métropole. Leur objectif commun : l’intérêt général et la pérennisation du projet. Démonstration par l’exemple à Lormont.
Au fil du PAT épisode 6 – un reportage (textes et photos) de Françoise Duret
C’est à Lormont, sur les terrains argilo-calcaires du Grand Tressan, que tout a véritablement commencé. En 2021, cette lanière de prairie bordée par un quartier d’habitation, à l’est de la rocade, a accueilli la phase-test du volet maraîchage urbain du PAT.
Dans la métropole bordelaise, la surface cultivable est limitée. À Lormont, le Grand Tressan est la seule parcelle d’ampleur suffisante pour répondre aux objectifs du projet. Avec ses 3,5 ha, elle est aussi à ce jour, la plus vaste du PAT de la Rive Droite.
Le terrain, ourlé de talus imposants, est composé de trois plateaux, séparés par une formidable déclivité ainsi que par les installations du city-stade. Il est bordé par le Gua, ruisseau de 2ème catégorie qui impose certaines contraintes, notamment en matière d’élevage. C’est une trame verte, couloir de passage de la faune sauvage. Il est proche des habitations, mais les riverains voient d’un bon œil le changement de destination du foncier, jusqu’ici sans vocation particulière. Il possède aussi une qualité essentielle : la terre est bonne !
La genèse d’un maraîchage urbain
2020-21 : l’heure est à l’expérimentation, à la vérification des hypothèses, déjà bien avancées cependant. 2500 m² sont choisis pour l’essai d’une mise en culture sur la parcelle lormontaise. La Ville de Lormont prépare le terrain avec ses moyens propres. Le GPV finance la clôture du site avec le soutien financier de l’ANRU (fonds Quartiers Fertiles) et de Bordeaux Métropole.
L’entreprise adaptée Ho’Travail est missionnée pour démarrer le maraîchage au printemps 2021. Le projet s’attache déjà à souscrire aux principes de l’agro-écologie. Des variétés anciennes et résistantes sont plantées : 1 500 plants issus de la micro-ferme de la Burthe, à Floirac, animée par le Conservatoire du Goût. Les bases du PAT sont posées.
Bien que le volet « valorisation en cuisine » reste à affiner, les premiers essais de production sont probants pour certaines variétés. Comme le Maire de Lormont, Jean Touzeau, aime à le répéter, Lormont pourrait bien devenir un jour capitale de la courgette !
L’Atelier des Coteaux, le régional de l’étape
Mais avant d’en arriver là, les partenaires ont du pain sur la planche. L’appel à manifestation d’intérêt est lancé en 2022 et aboutit à la sélection par la Ville des Coteaux Paysage pour exploiter la parcelle du Grand Tressan. L’entreprise de l’économie sociale et solidaire œuvre depuis 1989 dans le secteur des espaces verts et a depuis longtemps envie de se lancer dans l’aventure agricole. La perspective de produire pour la restauration collective la séduit. Elle vient de créer l’Atelier des Coteaux, atelier-chantier d’insertion qui portera le projet, appuyé par « Les Coteaux », son expérience éprouvée, ses 80 salariés, son assise financière et sa proximité géographique. Le siège est à l’Archevêque, à quelques encablures de là : le gros du matériel y sera stocké. Et surtout, le projet, fondé sur les valeurs de l’ESS, met en avant l’insertion et la formation.
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Accompagner sur tous les plan(t)s
Pour les Villes, le GPV et Bordeaux Métropole qui les accompagne, le choix du porteur est fondamental pour la réussite d’un projet au montage complexe, associant des partenaires privés à des enjeux d’intérêt général. Une solution « gagnant-gagnant », fondée sur le partenariat et le dialogue, comme la définit Emmanuel Nagoua, en charge du dossier à la direction des services techniques de la mairie. D’un côté, la Ville s’engage à soutenir les choix de l’opérateur, en mettant à sa disposition ses compétences administratives et techniques, mais aussi des moyens financiers permettant l’aménagement du foncier. De l’autre, le porteur de projet doit faire correspondre son mode opératoire et un modèle économique rentable au cahier des charges du PAT : agriculture biologique, production destinée à la restauration collective, vente directe possible aux particuliers, mais aussi activité basée sur l’insertion, la formation ou la création d’emploi.
Des investissements conséquents
À Lormont, la convention d’occupation temporaire est signée pour 12 ans. La formule offre l’avantage de conserver le terrain dans le domaine public, laissant le temps au producteur de mener à bien son activité et au projet de se consolider, avant de passer à un mode plus pérenne.
Côté budget, l’investissement public, soutenu par Bordeaux Métropole et l’ANRU (fonds Quartiers Fertiles), est important, à la hauteur des enjeux : 190 000 €, répartis sur trois ans, de 2022 à 2024. Une somme qui couvre les forages, les études hydrauliques, la pose des clôtures, le nettoyage préalable des parcelles et des abords, la construction de l’aire de lavage des légumes et du matériel, l’installation du réseau d’irrigation primaire et des compteurs électriques destinés à alimenter le système de pompage et les locaux. En bref, tout élément ou aménagement voué à rester sur site : une règle commune à tous les maraîchages du PAT. Le porteur de projet finance le système d’irrigation secondaire et l’ensemble du matériel visant à l’exploitation agricole, qui resteront sa propriété si le projet s’arrête. Il s’engage aussi à restituer les lieux en l’état, dans cette éventualité.
La fin des travaux, le début des haricots !
Les travaux commandés par la Ville de Lormont approchent doucement de leur fin tandis que les Coteaux Paysage amorcent les aménagements qui leur incombent avec la commande d’une serre, le travail du sol et la construction de cabanons. Dès le printemps 2025, les Coteaux Paysage mettront en production une partie du terrain pour bénéficier des premières récoltes à l’été. A la fin de l’année, ce sera le tour des plantations d’arbres fruitiers, qui eux, ne seront pas productifs avant plusieurs années. Mais en attendant l’arrivée des pommes, la restauration collective pourra, dès cette année 2025, profiter de l’arrivage de légumes frais et bio en provenance du Grand Tressan.
Une mission complexe
En milieu urbain, commander des forages et installer des maraîchers sur des terrains initialement sans vocation agricole est loin d’être le quotidien des mairies. Instruire des permis de construire, établir des dossiers d’autorisation d’occupation temporaire ou faire installer des compteurs, bien que dans leurs cordes, reste un exercice minutieux qui demande rigueur et patience. Dans les quatre communes du GPV, les équipes en charge du PAT agissent en courroies de transmission, instruments de planification et de coordination, concentrés simultanément sur le co-pilotage, avec le GPV, et l’opérationnel en lien avec les services municipaux et les porteurs de projet. « Un travail de l’ombre », comme le qualifie Emmanuel Nagoua, discret mais essentiel à la mise en œuvre du PAT.
Au fil du PAT, reportage au long cours sur la mise en oeuvre du PAT de la Rive Droite
Texte et photos : Françoise Duret
Découvrir les épisodes précédents
Le Projet Alimentaire Territorial des Villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac, coordonné par le GPV avec l’appui de Bordeaux Métropole, vise à accompagner la transition écologique de la restauration collective publique et les solidarités alimentaires pour donner accès à tous à une alimentation saine et durable. Le PAT est labellisé de niveau 2 par l’Etat qui, avec ses partenaires, soutient financièrement sa mise en œuvre.