Comment nourrir les convives des restaurants municipaux et intégrer de nouvelles pratiques, tout en prenant soin de notre territoire ? Pour le savoir, nous avons suivi les cuisiniers en formation. Au fil du PAT épisode 5
Septembre, c’est aussi la rentrée pour les équipes des cuisines centrales municipales. Outre le retour des écoliers à la cantine et la nécessaire anticipation des menus et des approvisionnements*, cette rentrée-ci a une saveur particulière : elle s’accompagne d’une formation, spécifique au Projet Alimentaire Territorial de la Rive Droite, pour les agents de la cuisine centrale de Bassens. Deux jours d’apports théoriques, d’échanges et de pratiques, inaugurés en avril 2023 par l’équipe du SIREC, suivie en janvier 2024 par l’équipe de Lormont.
* Rappel : la cuisine centrale de Bassens produit 800 repas par jour ; celle de Lormont 2 100 ; le SIREC, Syndicat intercommunal de restauration collective, 6 000 pour les villes de Floirac, Cenon et Ambarès-et-Lagrave.
Cette session de septembre était animée par Isabelle Bretegnier, diététicienne formatrice, Hervé Mouchard, cuisinier pâtissier, et Florence Guinfolleau, diététicienne stagiaire. Tous membres de la SCIC Nourrir l’Avenir, entreprise de l’économie sociale et solidaire, et outil opérationnel du Collectif les Pieds dans le Plat.
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Ne mâchons pas nos mots
Pour les formateurs, les injonctions imposées par l’industrie agro-alimentaire participent amplement aux désastres en série actuels, aux dépens de l’environnement et de la santé des personnes : mépris du bien-être animal, destruction des forêts et des terres vivrières surexploitées et épuisées par l’élevage intensif, émissions de CO2 et de gaz à effet de serre (produit à plus de 50 % par l’agriculture classique et les transports à l’autre bout de la planète), dérèglement climatique, déclin de la biodiversité, explosion des cancers et de l’obésité… De quoi donner le bourdon aux équipes en formation… ou les mobiliser individuellement et collectivement. On pourrait se dire que tout ça n’a pas grand-chose à voir avec notre territoire et pourtant, nous sommes tous logés sur la même (petite) planète et, comme le colibri… vous connaissez la suite.
Tout n’est pas perdu
Pour en revenir à notre frichti métropolitain et trouver des solutions locales, Isabelle Bretegnier assure et rassure : on peut encore inverser la tendance. Les exploitations agricoles en bio limitent la production d’azote et n’exposent pas les producteurs aux maladies professionnelles liées à l’usage des pesticides. Manger local permet de réduire les émissions de CO2. Moins de viande dans l’assiette diminue à coup sûr les émissions de méthane et les risques pour la santé. Encore faut-il adopter de nouveaux usages aux fourneaux, intégrer les repas végétariens dans les menus, ce qu’impose désormais la Loi Egalim*, transformer les produits sans les assassiner… et avec tout ça, ne pas oublier de satisfaire les mangeurs, qui auront besoin d’être accompagnés.
* Depuis 2023, les gestionnaires des services de restauration collective scolaire doivent proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine, et proposer des menus diversifiant les protéïnes incluant des alternatives à base de protéines végétales (Loi EGAlim confortée par la loi Climat)
Car le gaspillage alimentaire fait aussi des dégâts. 40 % de ce qui est cuisiné chaque jour en restauration collective part à la poubelle. Pour endiguer le phénomène, les plats doivent être appétissants et goûteux, et le convive bien informé. Les cuisiniers municipaux portent une grande responsabilité, déjà redevables sur le plan de l’hygiène et de la qualité, avec des budgets de plus en plus contraints et des outils de production souvent limités. Si la demande sociétale est forte, la pression s’exerce en tous sens : ceux qui manifestent pour le climat et ceux qui réclament plus de « cordons-bleus ».
Des cordons-bleus oui, mais faits-maison
Ici, pas question de diaboliser les produits d’origine animale ou les plats prisés des petits et des grands mangeurs. Mais il est utile de rappeler que la nourriture industrielle, les plats cuisinés trop salés, trop sucrés et raffinés, trop riches en acides gras transformés, sont à proscrire. La diversification, avec l’introduction de produits tels que les légumineuses et les céréales complètes, est la clé de l’équilibre. Nourrir l’Avenir l’affirme : les légumineuses sont « les super-héroïnes » de la transition alimentaire. Il en est beaucoup question durant cette formation. Victimes d’une mauvaise réputation et boudés depuis des années, les haricots blancs, lentilles, fèves, pois cassés, pois chiches et autres légumes secs sont de retour et ils nous veulent du bien ! Ils sont en effet parés de nombreux bienfaits : peu onéreux, gorgés de protéines et de fibres, ils contribuent, sur le plan agricole, à enrichir le sol, sont peu gourmands en eau et demandent moins d’engrais. Dans l’assiette, les légumineuses et les céréales complètes ou semi-complètes forment le duo gagnant, base d’un repas équilibré qui peut s’envisager sans viande.
Changer les pratiques en cuisine
Manger « végé », ce n’est pas manger triste. L’équipe bassenaise a découvert de nouveaux produits succulents (Ah ! Le parfum du sucre non raffiné ! Et la saveur des graines toastées !) et des recettes inventives. La pizza aux légumes de saison ? Sur une base de polenta. Le dessert lacté ? Réduit mais enrichi d’un granola maison. Le gratin de chou fleur ? Alangui sur un lit de sarrasin. Des plats simples, savoureux, malins et qui donnent la patate. Pour Bassens, le changement ne se fera pas en un jour. Certaines des recettes réalisées durant ces deux journées seront sans doute adaptées, mais adoptées et c’est l’essentiel.
Autre enjeu de cette formation : renforcer la cohésion des équipes, indispensable pour mieux comprendre et intégrer l’évolution des pratiques dans la restauration collective… mais aussi se saisir du défi de la transition alimentaire, dont ils sont des éléments essentiels.
Le travail engagé avec Nourrir l’Avenir pourrait se poursuivre en 2025 par des semaines complètes d’accompagnement des cuisiniers, de l’élaboration à la confection des menus. A suivre…
Au fil du PAT, reportage au long cours sur la mise en œuvre du Projet Alimentaire Territorial de la Rive Droite
Texte et photos : Françoise Duret
Découvrir les épisodes précédents
Le Projet Alimentaire Territorial des villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac vise à développer une alimentation saine et durable, accessible à tous. La restauration collective publique, levier majeur de transition alimentaire, est placée au cœur du projet. Coordonné par le GPV, le PAT de la Rive Droite est mené en lien étroit avec le monde de la recherche.
Lauréat des appels à projet « Quartiers Fertile » de l’ANRU et « Mieux manger pour tous » du Ministère des Solidarités.