Du 23 au 25 septembre, une équipe d’universitaires toulousains est venue rencontrer et filmer Rachel Léobet et son troupeau. Preuve que l’expérience menée dans le parc des Coteaux intéresse de près la recherche. Reportage dans les coulisses du tournage.
Ce jeudi 24 septembre est un jour particulier pour Rachel Léobet, qui accueille, dès le réveil, une équipe de tournage… d’un genre un peu spécial ! A savoir Olivier Bories et Jean-Michel Cazenave de l’École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole (ENSFEA). Le premier y est maître de conférence en aménagement de l’espace. Le second chargé de projet audiovisuel. Avec Corinne Eychenne, maîtresse de conférence en géographie à l’Université Toulouse-Jean-Jaurès, ils réalisent un film-recherche sur les pratiques pastorales en milieu urbain. Son titre ? Paysage de l’éco-pâturage. Une bergère et son troupeau au cœur de l’agglomération Bordelaise. Caméra au poing et micro tendu, ils ont décidé la veille, en accord avec Rachel Léobet, de tourner les premières images dans la caravane à l’heure de son lever.
« J’ai du mal avec l’écrit », explique Olivier Bories, qui a toujours utilisé photos et dessins dans ses publications. Aussi depuis quelques années, utilise-t-il de plus en plus souvent l’écriture audiovisuelle pour finaliser ses travaux de recherche. « C’est très différent. La recherche est traditionnellement un exercice plutôt solitaire, surtout la phase d’écriture. Alors que là, c’est une aventure collective, nous fonctionnons en équipe. Nous préparons ensemble le sujet. Puis sur le terrain, Jean-Michel Cazenave assure les prises de son et je m’occupe des prises de vue. Corinne Eychenne nous accompagne sur les tournages, et le montage, nous le faisons tous les trois », détaille Olivier Bories. « Les rencontres que nous faisons ont aussi une dimension très importante dans les projets filmiques. Sans rencontre, il n’y a pas de films. Pas d’images. »
Après avoir pris son petit-déjeuner sous l’œil de la caméra, Rachel Léobet entraîne le trio à Floirac. C’est là, sur trois parcelles gracieusement mises à disposition par le bailleur Clairsienne, que le troupeau pâture depuis fin août. Mais aujourd’hui, les brebis réintègrent leur base de vie à Triboulet. C’est d’ailleurs pour assister à cette « transhumance » que l’équipe de tournage est présente. Juché sur le toit de la bétaillère ou coincé derrière l’enclos, Olivier Bories multiplie les angles. Armé d’une longue perche, Jean-Michel Cazenave enregistre tous les sons. Tous les deux travaillent comme pour un film documentaire en captant sur le vif tous les gestes de la bergère. « En moyenne, pour un film d’une durée finale de 1h, j’ai un très gros volume d’heures de rushes, une quarantaine environ », indique le chercheur-vidéaste. C’est pour lui une manière d’être certain d’être au plus près de son sujet et de pouvoir en donner une représentation la plus objective possible.
« Nous voulons aborder le sujet du pâturage en milieu urbain selon trois axes principaux : d’abord celui de la trajectoire personnelle du ou de la bergère qui fait le choix de s’installer dans une agglomération ; ensuite la problématique du foncier et de l’action des collectivités et enfin la manière dont s’opère spatialement et symboliquement le contact entre une activité « campagnarde » et une société urbaine, s’il y a des frictions et, si oui, de quelle nature », précise Corinne Eychenne.
Après cette première séquence de tournage matinal, les trois universitaires et Rachel Léobet s’offrent une pause. Avant de nouvelles prises de vue prévues dans la caravane puis en extérieur en fin d’après-midi. « On travaille aussi en fonction de la lumière et de la météo », note Olivier Bories, en regardant le ciel noir et menaçant.
En 2021, le trio reviendra pour deux autres sessions de tournage. Avec derrière l’objectif, cette fois, le ou la remplaçante de Rachel Léobet. En effet, la jeune femme arrive au terme de son CDD en décembre 2020 et a choisi de ne pas rempiler. « En postulant à ce poste, c’est la dimension sociale qui m’attirait. Et j’ai fait de très belles rencontres ici, vraiment. Mais j’ai aussi envie de solitude, et c’est paradoxalement cette dimension sociale qui me fait partir », commente la bergère. En janvier 2021, elle regagnera donc le sud-Gironde où elle exerçait jusque-là et retrouvera une vie de bergère plus traditionnelle.
Le film d’Olivier Bories, Jean-Michel Cazenave et Corinne Eychenne devrait être terminé en 2022. Il sera alors présenté dans des colloques ou des séminaires auprès d’étudiants et d’universitaires. Puis dans des festivals de cinéma.
Auteur texte et photos : Aline Chambras
« Il était une bergère » reportage A.Chambras
Épisode 11 : Mission fenaison / LIRE
Épisode 10 : Démarche scientifique / LIRE
Épisode 9 : La base / LIRE
Épisode 8 : Visite à la Burthe / LIRE
Épisode 7 : Pâturage en question / LIRE
Épisode 6 : une journée à Palmer / LIRE
Épisode 5 : la tonte des brebis / LIRE
Épisode 4 : la fête à Rozin / LIRE
Épisode 3 : l’inventaire floristique / LIRE
Épisode 2 : l’arrivée à Triboulet / LIRE
Épisode 1 : la visite du troupeau / LIRE
A propos du pâturage
L’expérimentation d’un pâturage itinérant dans le parc des Coteaux, initiée en 2019, est un projet du parc LAB, le laboratoire du parc des Coteaux, démarche collective rassemblant élus, directeurs de service et jardiniers des 4 villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac pour mettre en œuvre une gestion écologique des 10 parcs municipaux* constituant le parc intercommunal des Coteaux.
L’objectif majeur du pâturage est de mettre en place une gestion écologique des espaces de prairies présents dans le parc des Coteaux. D’une surface totale de 60 hectares, ces espaces de prairies portent un enjeu fort de préservation des espèces animales et végétales en adéquation avec les usages quotidiens des parcs. Des papillons tels que l’Azuré du serpolet (Phengaris arion) ou le Citron de Provence (Gonopteryx cleopatra) se développent dans ces prairies calcaires spécifiques des coteaux de la rive droite de la Garonne.
Le projet de pâturage du parc des Coteaux est porté par les communes de Bassens, Lormont, Cenon, Floirac et le Grand Projet des Villes Rive Droite avec le soutien de Bordeaux Métropole, du Département de la Gironde, de Domofrance et Clairsienne.