Confinement oblige, la reprise de l’itinérance est suspendue jusqu’à nouvel ordre. En attendant de pouvoir suivre à nouveau les moutons et leur bergère dans le parc des Coteaux, prenons le temps de dévoiler les dessous de l’écopâturage !
Pour caler la saison 2020 de l’écopâturage, pas de dé, ni de hasard. Bien au contraire. Pour déterminer l’itinéraire, la localisation des enclos, le choix du transport en bétaillère ou de la transhumance, deux paramètres sont déterminants. Tout d’abord, le bilan dressé par Rachel Léobet suite à son inédite première saison dans le parc des Coteaux. Mais aussi, les résultats et les pistes fournis par l’inventaire des prairies menés depuis mars 2019 par Adeline Aird, botaniste phytosociologue pour le Conservatoire Botanique National Sud Atlantique.
Pourquoi ? Tout d’abord parce que les conclusions tirées par la bergère serviront à améliorer, d’un point de vue pratique notamment, l’itinérance 2020. Ensuite parce que la mise en place de cette expérimentation d’écopâturage a une visée scientifique et écologique : il s’agit d’évaluer l’impact du pâturage des moutons sur la végétation du parc des Coteaux. En d’autres termes de trancher la question suivante : l’écopâturage favorise-t-il la préservation et le développement de la biodiversité ?
Alors que le troupeau se repose à Triboulet, sa base de vie, depuis l’automne 2019, Rachel Léobet a pris le temps d’établir un compte-rendu précis des 164 jours qu’elle et son troupeau ont passés dans les 13 parcs de la Rive Droite entre mai et octobre 2019. On y apprend que cet itinéraire de 5 mois a nécessité 11 transports en bétaillère et a été l’occasion de 3 transhumances : entre Rozin et Panoramis, Carriet et la piscine de Lormont, Beausite et le Cypressat. Dans son rapport, Rachel Léobet détaille également les points positifs et les points faibles de chaque parc, qu’ils soient d’ordre pratico-pratique (présence ou non d’un point d’eau à proximité de l’enclos, ombragé ou pas), sociaux ( fréquentation importante, passage de chiens, relation avec les autres « habitants » du parc, bruit, etc.), ou alimentaires (herbes trop hautes ou trop rares). Avant de conclure sur cette note positive : « Globalement, l’itinérance 2019, s’est bien passée, aucune perte de matériel, aucun vol de brebis, aucune attaque de chiens et la plupart des gens sont très contents de voir le troupeau. ». Ce retour d’expérience de la principale intéressée sera d’une grande importance dans l’écriture du scénario 2020. Objectif : rendre encore plus agréable la vie du troupeau, de la bergère et des usagers des parcs.
Pour construire le parcours 2020, les remontées du travail mené par Adeline Aird seront aussi prises en compte. «Grâce au travail d’inventaire réalisé sur les Coteaux avant le passage des moutons, nous avons pu dégager des identités floristiques et d’habitats spécifiques à chaque parc, ce qui pourra aider la mise en place de l’itinérance 2020 », explique la botaniste. En effet, cette cartographique des végétations servira à choisir les zones de pâturage en fonction de l’intérêt de ce mode de gestion pour la préservation de milieux spécifiques, comme les pelouses calcaires par exemple que l’écopâturage permet de maintenir en empêchant leur embroussaillement. Elle permettra également d’éviter que le troupeau ne paisse trop intensément dans les zones où se trouvent des espèces protégées. On apprend de ce travail cartographique que les parcs de Bassens (Beauval, Rozin et Panoramis ) sont les seuls de la Rive Droite où pousse l’Ail rose, une espèce protégée. Que le parc de l’Ermitage (exposé au Sud) a une forte composante méditerranéenne avec la présence d’une chênaie verte ou d’espèces protégées typiques de la végétation méditerranéenne comme l’Astérolide épineux et l’Euphraise de Jaubert. Que le site Palmer/Tranchère a une vraie identité de prairies avec de grands ensembles herbacés. Qu’au Cypressat, outre la présence de cyprès et un aspect très paysager, de nombreuses pelouses sont très pentues et non accessibles aux brebis. Ou encore que La Burthe se distingue par la présence de boisements originaux de fond de vallons : chênaie-frênaie fraîche et chênaie-charmaie.
Quant aux conséquences du pâturage sur la végétation, il est encore trop tôt pour en parler : « Pour connaître l’impact exact du pâturage sur les prairies, il faudra attendre plusieurs années », indique Adeline Aird. Dès le mois de juin cependant, elle pourra commencer à émettre quelques conclusions en observant les premiers résultats des dispositifs tests installés dans 4 sites (un par commune concernée, à savoir La Burthe à Floirac, Tranchère à Cenon, L’Ermitage à Lormont et Panoramis à Bassens). « Nous y avons posé à chaque fois 2 enclos de 3m², l’un où les moutons n’ont pas pâturé, l’autre où les moutons ont pâturé », précise Adeline Aird. La jeune femme visitera ensuite régulièrement ces enclos pour y noter l’évolution des sols et de la végétation, et déterminer quelles sont les conséquences sur un plus long terme de la vie pastorale. Rendez-vous dans 10 ans pour savoir à quel point les brebis sont synonymes de richesse écologique.
AUTEUR / texte – Aline Chambras / photos – A. Chambras ou A.Aird
Envie d’évasion ? Découvrez les épisodes précédents du reportage au long cours d’Aline Chambras « Il était une bergère » !
Épisode 9 : La base / LIRE
Épisode 8 : Visite à la Burthe / LIRE
Épisode 7 : Pâturage en question / LIRE
Épisode 6 : une journée à Palmer / LIRE
Épisode 5 : la tonte des brebis / LIRE
Épisode 4 : la fête à Rozin / LIRE
Épisode 3 : l’inventaire floristique / LIRE
Épisode 2 : l’arrivée à Triboulet / LIRE
Épisode 1 : la visite du troupeau / LIRE
A propos du pâturage
L’expérimentation d’un pâturage itinérant dans le parc des Coteaux, initiée en 2019, est un projet du parc LAB, le laboratoire du parc des Coteaux, démarche collective rassemblant élus, directeurs de service et jardiniers des 4 villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac pour mettre en œuvre une gestion écologique des 10 parcs municipaux* constituant le parc intercommunal des Coteaux.
L’objectif majeur du pâturage est de mettre en place une gestion écologique des espaces de prairies présents dans le parc des Coteaux. D’une surface totale de 60 hectares, ces espaces de prairies portent un enjeu fort de préservation des espèces animales et végétales en adéquation avec les usages quotidiens des parcs. Des papillons tels que l’Azuré du serpolet (Phengaris arion) ou le Citron de Provence (Gonopteryx cleopatra) se développent dans ces prairies calcaires spécifiques des coteaux de la rive droite de la Garonne.
Le projet de pâturage du parc des Coteaux est porté par les communes de Bassens, Lormont, Cenon, Floirac et le Grand Projet des Villes Rive Droite avec le soutien de Bordeaux Métropole, du Département de la Gironde, de Domofrance et Clairsienne.