Dans le cadre de son master en gestion des territoires et développement local, Miguel Rebelo a passé 6 mois auprès de Rachel Léobet pour assister la bergère et, en parallèle, étudier l’impact du pâturage écologique sur les usagers des parcs.
Fin juillet, Miguel Rebelo quittait le parc des Coteaux, Rachel et son troupeau pour rentrer en Ariège où il suit une formation en gestion des territoires et développement local. Avec comme devoir de vacances, la rédaction de son mémoire de fin d’études portant sur «le pâturage urbain dans les espaces verts et parcs urbains du parc des Coteaux : entre représentations mentales, perceptions et ressentis ». Son objectif : évaluer « le degré de satisfaction et d’acceptation de la présence du pâturage par les populations fréquentant les parcs ».
Étude ethnographique
Miguel Rebelo a mené de mai à début août une enquête de type ethnographique auprès de 36 personnes rencontrées dans les différents parcs et espaces verts où le troupeau a pâturé, à savoir Beauval, Rozin, Panoramis, Cité Carriet, Ermitage, Palmer, Cité Beausite, Cypressat. Ces 36 personnes ont été interrogées au hasard et forment un panel varié des usagers du parc des Coteaux : âgées de 10 à 19 ans, hommes et femmes, toutes professions confondues (médecin, ingénieur, ouvrier, sans emploi, etc.) et habitant le territoire depuis 1 à 40 ans.
Interview de Miguel Rebelo, juillet 2019 dans le parc Palmer.
Un troupeau, tisseur de lien social
De tous ces entretiens ressort en premier lieu ce constat : la présence du troupeau est vécue comme positive par la très grande majorité des personnes rencontrées. Notamment pour l’effet « apaisant » et « vivant » que procurent les moutons. Seule une minorité de personnes ont témoigné de l’inquiétude vis-à-vis de la présence du troupeau, en raison surtout de la présence des clôtures électrifiées.
Pour comprendre cette satisfaction, Miguel Rebelo a questionné les usagers sur les représentations qu’ils associaient à la mise en place de l’écopâturage dans le parc des Coteaux. De cette approche plus « intimiste » découle quelques constantes.
La présence des moutons renvoie pour certains aux souvenirs, au passé, celui d’une jeunesse vécue à la campagne. Pour d’autres, c’est le pays d’origine qu’ils évoquent, là où les liens avec le monde agricole étaient très forts, comme l’ont raconté plusieurs personnes nées en Tunisie, Guadeloupe, Turquie, etc. et installées sur la Rive Droite depuis quelques années. Enfin, pour un troisième groupe d’usagers, les moutons représentent la campagne telle qu’ils se l’imaginent, le troupeau devenant le symbole d’une nature et d’une vie au grand air, qu’en tant que citadins, ils ne connaissent finalement pas.
L’enquête de Miguel Rebelo révèle également que la présence du troupeau est perçue de manière positive par les usagers des parcs pour deux raisons majeures : tout d’abord, pour sa dimension écologique, le mouton « machine » remplaçant agréablement la tondeuse bruyante. Mais aussi pour son rôle « socialisant » : la présence du troupeau crée un intérêt, favorise la parole et l’échange, tel « un tisseur de lien social ».
En conclusion de son étude, Miguel Rebelo note que la présence du troupeau et de l’écopâturage est un moyen original de renouveler le rapport des habitants aux parcs urbains : grâce au troupeau, il y a une rupture dans l’espace et le temps ordinairement associés aux espaces verts. Il n’est plus seulement question de loisirs ou de temps linéaire : le pâturage itinérant « animalise », « saisonnalise » et convoque souvenirs ou fantasmes.
Auteur : Aline Chambras
« Il était une bergère… », épisodes précédents
Épisode 6 : une journée à Palmer / LIRE
Épisode 5 : la tonte des brebis / LIRE
Épisode 4 : la fête à Rozin / LIRE
Épisode 3 : l’inventaire floristique / LIRE
Épisode 2 : l’arrivée à Triboulet / LIRE
Épisode 1 : la visite du troupeau / LIRE
A propos du pâturage
L’expérimentation d’un pâturage itinérant dans le parc des Coteaux, initiée en 2019, est un projet du parc LAB, le laboratoire du parc des Coteaux, démarche collective rassemblant élus, directeurs de service et jardiniers des 4 villes de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac pour mettre en œuvre une gestion écologique des 10 parcs municipaux* constituant le parc intercommunal des Coteaux.
L’objectif majeur du pâturage est de mettre en place une gestion écologique des espaces de prairies présents dans le parc des Coteaux. D’une surface totale de 60 hectares, ces espaces de prairies portent un enjeu fort de préservation des espèces animales et végétales en adéquation avec les usages quotidiens des parcs. Des papillons tels que l’Azuré du serpolet (Phengaris arion) ou le Citron de Provence (Gonopteryx cleopatra) se développent dans ces prairies calcaires spécifiques des coteaux de la rive droite de la Garonne.
Le projet de pâturage du parc des Coteaux est porté par les communes de Bassens, Lormont, Cenon, Floirac et le Grand Projet des Villes Rive Droite avec le soutien de Bordeaux Métropole, du Département de la Gironde, de Domofrance et Clairsienne.
* il s’agit des parcs de Beauval, Rozin, Panoramis et Séguinaud à Bassens ; Carriet et Ermitage à Lormont ; Palmer et Cypressat à Cenon ; Sybirol, Castel et Burthe à Floirac