La balade inattendue

Il faut parfois bousculer ses perceptions habituelles pour apprécier une balade comme celle qui nous a menés de Bordeaux à Bassens au cœur de la zone industrialo-portuaire (ZIP) qui s’étend depuis plus d’un siècle entre le port et le coteau.

Une balade hors normes, au milieu d’édifices à l’architecture métallique parfois brutale, le long de voies ferrées désertées envahies d’une végétation coriace. Une balade unique et surprenante qui interroge notre conception du beau et de l’utile, de la conciliation entre histoire et innovation technologique.

Avec une surface de 600 hectares – soit 60% du territoire de l’agglomération – délimitée d’une part par la Garonne et d’autre part, par les voies de chemin de fer qui la desservent, la ZIP est une composante essentielle de l’identité communale. Site d’Intérêt Métropolitain, sa situation, son accessibilité fluviale, ferroviaire et routière, ses types d’activités variés, rendent le site unique.

Un pôle multimodal pour la gare de Bassens

Dès notre arrivée à la gare de Bassens, après 9 petites minutes en TER, le ton est donné par Fabien Genovesio, chargé de mission développement économique de la ville. Bassens veut se rendre encore plus accessible et tout un travail a été amorcé par la Région, la Métropole et RFF pour propulser la petite gare dans le 21ème siècle: « Il y a une demande forte des acteurs économiques de faire de cet ancien bâtiment, un véritable pôle multimodal de transports combinés avec des bus, des véhicules électriques et pourquoi pas des vélos électriques… Une trentaine de salariés l’utilisent déjà quotidiennement. »

Des salariés qui se rendent dans une zone d’activités en constante évolution : « La ZIP obéit à deux logiques. Une logique portuaire, bien-sûr et une zone industrielle dynamique et de plus en plus attractive.» explique Fabien Genovesio. « Nous avons ici un pôle logistique majeur a l’échelle de la région avec un établissement comme Michelin Simorep qui occupe une position stratégique ou encore Lafon qui devient un leader européen et mondial dans certains secteurs comme la sécurisation du process bancaire par exemple… »

Il nous invite à dépasser l’image parfois dure qui se dégage à première vue du paysage pour comprendre sa véritable vocation : « Il faut voir ce qu’il y a derrière cette image. Un port, c’est forcément de la fumée, des bâtiments industriels, des structures métalliques dures. Mais on a ici, beaucoup de recherche et développement. Beaucoup de ces industriels se sont tournés vers la chimie verte avec des recherches sur les produits bio-sourcés ou le carburant végétal. Un pilote est à l’étude et devrait voir le jour à l’horizon 2025. C’est demain à l’échelle de l’innovation et c’est ici, à Bassens! »

Un peu d’histoire

Nous regardons au loin les grues dont les silhouettes se dessinent au-dessus des vapeurs du fleuve et nous écoutons un petit morceau de l’histoire de ce port qui s’étend aujourd’hui sur près de 3 kilomètres. Les installations portuaires existent depuis plus d’un siècle, mais c’est avec la présence américaine pendant la guerre de 1914-1918 que se développe de nouvelles activités et services portuaires comme le stockage ou le conditionnement des marchandises. Auparavant, la zone était surtout conçue pour ce qu’on appelait des pondéreux, c’est-à-dire des matériaux lourds. Silos pour les céréales, citernes pour les hydrocarbures et les oléagineux, aires de stationnement automobile sont construits pour accueillir ces nouvelles marchandises. 1250 mètres d’appontement et de docks viennent compléter ces équipements.

Le port de Bassens a adapté aujourd’hui ses infrastructures avec des postes roll-on/roll-off, un terminal à conteneurs, des aires de stockage spécialisées pour les phosphates, le bois, les céréales ou les hydrocarbures et les matériaux industriels. Sans oublier le radoub, bassin destiné à l’accueil des bateaux pour la réparation ou le démantèlement. Une voie rapide longe la zone portuaire permettant une liaison directe avec les autoroutes vers Paris, Toulouse ou l’Espagne.

Un site d’intérêt métropolitain

Nous longeons des clôtures, martelons les rails rongés de rouille de vois ferrées désaffectées, glissons sous des tunnels tapissés de lierre. Une balade dans la ZIP, ça se mérite. Un paysage graphique et complexe, une interrogation visuelle. Nous débouchons boulevard de l’Industrie. Une zone d’activités immense s’étend devant nous.

Abritant un des premiers ports céréaliers de France, la plateforme d’usinage automobile la plus importante de la région, l’usine Michelin, leader mondial dans le caoutchouc synthétique qu’on ne présente plus, et près d’une centaine d’autres entreprises dans des secteurs d’activités très diversifiés, la ZIP constitue un véritable poumon économique pour la Nouvelle Aquitaine et pour la Métropole qui la classé SIM, site d’intérêt métropolitain. Au total, on estime qu’elle offre 300 emplois directs et un peu plus d’un millier d’emplois induits.

« La ville et ses partenaires travaillent à l’amélioration de l’accessibilité physique de cette zone déjà fortement attractive en projetant des travaux routiers destinés à faciliter la circulation au sein de la ZIP en détournant une partie du trafic des poids-lourds. » confirme Fabien Genovesio. « Il s’agit également de favoriser la collaboration entre les entreprises elles-mêmes en matière de recyclage ou de sécurité par exemple. »

L’objectif étant de faire de la ZIP un lieu pilote en termes de qualité environnementale.

L’impact environnemental

Nous l’avons compris, la contrainte économique et conjoncturelle est évidente. « Chimie verte », énergies bio-sourcées ou encore innovations internes en termes de traitement des déchets, prennent une place de plus en plus importante dans les programmes de recherche et développement de certaines entreprises du secteur. L’équipementier pétrolier Lafon travaille à ce titre sur un prototype de borne d’alimentation de véhicules électriques pilotables par smartphones et sur de nombreuses recherches centrées sur la prévention des pollutions (récupérateurs de vapeur, sondes anti-débordements…).

Si la migration vers cette nouvelle ère industrielle ne s’est pas encore opérée chez tous, il souffle sur la ZIP une volonté de travailler ensemble et de manière plus cohérente. Fabien Genovesio nous expose le nouveau mode de fonctionnement de ce vaste écosystème industriel : « Certaines entreprises essaient de développer ce qu’on appelle l’écologie industrielle. C’est à dire qu’elles travaillent en cohérence et collaborent pour générer le moins de déchets possibles. Un exemple : Dalkia incinère ses déchets. La vapeur récupérée par cette activité est injectée par Michelin dans son process. Cela permet à Michelin de diminuer sa consommation de charbon. Ce qui est déchet pour l’un devient énergie pour l’autre.»

Située entre le fleuve et le coteau où se trouve le bourg de Bassens, les acteurs de la ZIP, accompagnés d’experts et d’habitants, ont également mis en œuvre un certains nombre de mesures de sécurité. Le céréalier Cerexagri ou encore Michelin ont œuvré avec les riverains pour la sécurisation des habitations à proximité.

Nous sommes arrivés au bout du périple, au bord du fleuve. Ici aussi, des aménagements sont prévus : une jetée avec un ponton flottant, un duc d’albe nous précise Fabien Genovesio, en raison du marnage élevé de la Garonne. Une escale douce et mouvante en somme après cette randonnée, inédite certes, mais qui nous a permis de comprendre les enjeux techniques, économiques et écologiques qui sous-tendent notre façon de vivre moder

 

Auteur : Aïcha Chapelard


Proposées par le GPV à Bordeaux métropole, Ligne (s) Droite (s) a embarqué le public de l’Eté métropolitain 2017 à la (re)découverte de la Rive Droite. En train ou tramway, à vélo ou à pied, huit balades commentées ont permis aux participants venus pour plus de la moitié de la rive gauche, d’appréhender ce territoire en pleine évolution, entre projets innovants et préservation de la qualité de vie. Huit balades et autant de regards différents.

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