L’urbaniste et sociologue Daniel Mandouze et son équipe ont présenté les résultats d’une étude portant sur la perception de la rénovation urbaine par les habitants de la Rive Droite. Quelques réponses et beaucoup de questions…
Qu’elle est belle cette rive droite depuis la terrasses de la salle des fêtes de Bassens ! On la voit dans toute sa diversité depuis ce centre bourg quasi campagnard avec vue sur la Garonne, la Zone industriallo-portuaire à droite, la verdure qui sur la gauche masque encore les maisons en contrebas et, à droite en se penchant un peu, les quartiers pavillonnaires avec Lormont pour horizon.
C’est là, que Daniel Mandouze et son équipe de jeunes chercheurs ont choisi de rendre compte, devant un public d’élus et de techniciens, du résultat de leurs travaux menés depuis 2008, prélude à la publication prochaine d’une étude complète dans les semaines à venir.
Analyse et suivi du changement social et de l’opinion publique dans les communes du Grand Projet des Villes porte donc sur la perception des opérations de rénovation urbaine (ORU) par les habitants des quatre communes, qu’ils soient directement concernés par ces programmes ou simplement citoyens du territoire.
Il s’agit là de la troisième phase de cette étude, la première concernant le territoire au moment du début des grandes opérations, la seconde les ayant sondé en plein travaux et cette dernière intervenant au terme des plus importants chantiers (Bousquet, Génicart, 8 mai 1945) ; le sociologue précisant qu’il s’agissait là d’une des particularités de ce travail : étudier la perception de la rénovation urbaine alors même qu’elle est en train de se faire, pas seulement à son terme.
La présentation a duré près de deux heures, précisant de nombreux points méthodologiques et techniques et explicitant les résultats pour un public pas toujours au fait des subtilités universitaires (dont votre serviteur).
De tout cela, il ressort que la Rive Droite, contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, est loin d’être un territoire spécialisé comme pourraient l’être certaines villes de banlieue parisienne. L’éventail de ce que les sociologues appellent « situations habitantes » est aussi varié que partout ailleurs. Cette variété permet aux nouveaux habitants du territoire, attirés par des coûts fonciers raisonnables et une centralité pratique, de s’approprier leur nouveau cadre de vie plus facilement. En outre, l’image dégradée dont souffrait autrefois les coteaux de Garonne semble désormais oubliée.
Conquis ou méfiants.
Concernant la perception des opérations par les habitants des secteurs concernés, on note un clivage entre ceux qui ont été directement concernés par les opérations – relogés, habitants de secteurs réhabilités ou rénovés – et ceux qui sont en passe de l’être. Si chez les premiers, le bilan est globalement positif, les seconds se souviennent surtout des désagrément occasionnés par ces opérations – durée des travaux, nuisances, problèmes liés au déménagement, intégration dans un nouvel environnement, accueil de nouveaux voisins, etc… A cette occasion, Daniel Mandouze, a souligné l’importance de ce qu’il nomme le « capital social » des habitants dans ce processus d’acceptation du changement. Pour faire court, plus la personne concernée dispose d’un réseau de connaissances personnelles, institutionnelles et environnementales, plus elle est à même de maîtriser le changement. Il en résulte qu’un habitant socialement fragilisé et disposant d’un faible réseau social aura plus de mal qu’un autre à vivre l’évolution rapide de son cadre de vie que suppose le renouvellement urbain. Les accompagnements institutionnels proposés par les collectivités et les bailleurs prouveront là leur nécessité.
Mais le temps des grandes opérations de démolition/reconstruction tire à sa fin et la plupart des opérations à venir concerneront la rénovation ou la résidentialisation de quartiers. Ces programmes sont semble-t-il mieux perçus des habitants qui en redoutent moins les effets eu égard à la moindre perturbation que suppose la conservation du bâti. Le statu quo plutôt que le saut dans l’inconnu, en quelque sorte.
Ces résultats viennent confirmer l’importance qu’ont désormais les dispositifs d’accompagnement dans les opérations de rénovation urbaine. Au delà des seuls logements, les conditions de vie dans leur ensemble doivent être prises en compte, souligne le sociologue. Parmi les questions qui se posent au terme de cette restitution et qui se poseront certainement de manière plus aiguë lors de sa publication détaillée figurent évidement l’évaluation des opération déjà menée et, par conséquent, la réévaluation de celles qui sont en cours. Quel accompagnement, avec quel niveau d’individualisation ? Comment faciliter l’échange et la recréation d’un tissu social ? Les ménages les plus fragiles peuvent-ils tirer un quelconque bénéfice de ces changements de cadre de vie ? Quelles nouvelles formes de réhabilitation ?
Toutes ces questions et bien d’autres encore seront d’ailleurs évoquée lors de la prochaine journée « Habiter Rive Droite » qui réunira spécialistes, élus, techniciens, acteurs associatifs et, bien sur, habitants au Pôle culturel et sportif de Bois fleuri, à Lormont, le 15 décembre prochain. Vous êtes d’ailleurs cordialement invités à y participer. Pour en savoir davantage, vous pouvez en découvrir le programme ici et vous inscrire si vous le désirez.