La Rive Droite vue d’ailleurs. En partenariat avec Aqui.fr, un regard sur 10 ans de projets de rénovation urbaine sur le territoire du GPV Rive Droite. Retour en 2008, à Lormont, ou Fadila Kellala témoigne des sentiments mêlés des habitants relogés face à leur nouvel espace de vie…
Fadila Kellala, est une témoin privilégiée de l’opération de démolition-reconstruction qui a lieu à Lormont. De nombreux échos des relogements en cours lui parviennent à travers le réseau des habitants-relais de la Fédération des Comités de Quartiers qu’elle préside.
« Sur le principe, la rénovation urbaine, c’est bien. Il fallait faire tomber les tours vieilles de plus de 40 ans, et qui étaient prévues comme temporaires de toute façon. Il faut se rappeler que la majorité de l’habitat à Lormont était destinée aux rapatriés d’Algérie et aux ouvriers de l’époque. Alors, pour économiser de la surface, on les a installés dans des tours, censées servir une trentaine d’années. C’était du provisoire, on pensait que les gens allaient après s’installer ailleurs. Mais avec la crise du logement, cela a duré. »
« On déracine les gens »
« Ce qui est moins bien, c’est qu’on déracine les gens. Pour les immigrés, c’est même un double déracinement, ils sont partis de leur pays, maintenant ils doivent quitter leur logement. Une femme avait des meubles de famille dans un grand appartement aux Cîmes mais on lui proposait des appartements plus petits où elle ne pouvaient pas les mettre. Finalement, elle a déménagé dans de l’ancien.» « C’est normal que les nouveaux appartements soient plus petits : vous démolissez une tour de 18 étages où il y a 110 appartement et vous les étalez sur le sol… »
Selon Mme Kellala, les habitants expriment des sentiments mitigés envers le projet de rénovation urbaines. « Aux Cîmes, les appartements sont beaux, ils sont grands, lumineux… Les gens les regrettent ». D’autant plus que les logements neufs sont plus petits et un peu plus chers. « Pour le logement neuf, les charges d’eau et de chauffage ne sont plus comprises. Mais les bailleurs sociaux disent qu’elles sont individuelles et contrôlables. A chacun de faire attention. Ce n’est peut-être pas plus mal de responsabiliser les gens… »
Des conditions de relogement différentes
« Les retours sur les logements sont très différents les uns des autres. On ne peut pas faire de généralité. C’est très subjectif. Pour certains, cela a été l’opportunité de changer de quartier et de changer de vie, pour d’autres, c’est plutôt une déception. La procédure est assez compliquée, les gens ne comprennent pas tout ». « En théorie, le bailleur doit respecter leur choix de relogement, mais étant donné, que chaque relogé a le droit de refuser au maximum trois fois, le bailleur peut finalement imposer une solution qui lui convient personnellement. »
Repartir pour une nouvelle vie… mais à Lormont
« 70 % des locataires veulent rester à Lormont. C’est compréhensible : au moment où la ville à une autre image, avec une médiathèque, le tramway, l’espace citoyen, des airs de jeux, etc, les gens veulent rester. Ils se disent « on était là quand c’était une banlieue indésirable et maintenant il faudrait partir ? »
Il semble à Fadila Kellala que les gens discutent plus dans les nouveaux immeubles : « On repart de zéro à vrai dire ; personne ne se connaît, on s’approprie ensemble les lieux, on est sur un pied d’égalité. Il y est donc peut-être plus facile de nouer des liens… plus facile en tout cas que dans les vieilles résidences, où il était difficile d’intégrer un milieu qui semblait déjà assez soudé et hermétique. »
Propos recueillis par Piotr Czarzasty et Vincent Goulet, publiés sur Aqui.fr le 30 mai 2008.