Changer d'échelle, l'enjeu du tramway sur la rive droite

La Rive Droite vue d’ailleurs. En partenariat avec Aqui.fr, un regard sur 10 ans de projets de rénovation urbaine sur le territoire du GPV Rive Droite.

« Désenclavement ». Le mot a déjà été mille fois répétés à propos du tramway. Bien sûr, les habitants des banlieues se rendront plus facilement au centre ville et les Bordelais devraient plus volontiers se promener sur les verts côteaux des Hauts de Garonne ou se rendre dans le futur « pôle des musiques du monde » [aujourd’hui le Rocher de Palmer, NDLR] de Cenon-Palmer. Mais, avec l’extension de la ligne A vers Bassens-Carbon Blanc, élus et urbanistes cherchent à relever un autre défi : permettre une vraie circulation entre les villes des Hauts de Garonne pour donner une véritable identité à ce territoire.

Pour les urbanistes d’aujourd’hui, la ville-centre, avec sa périphérie résidentielle qui s’étale indéfiniment, c’est fini. Exit les interminables lotissements de petits pavillons avec jardin où chacun est retranché derrière sa clôture, terminé le règne de la voiture, moyen de transport individualiste et bien peu « écolo-durable ». Place à la « ville-archipel » : « un territoire composé d’espaces bâtis et d’espaces non bâtis à l’échelle de la perception sensible du territoire (…) : îles bâties bien denses, d’habitat et d’activités, reliées entre elles par un réseau d’espaces agricoles et de nature bien préservée, assurant les fonctions économiques agricoles, hydrauliques, écologiques, sociales et paysagères indispensables à la constitution d’un cadre de vie agréable et durable. » (Bernard Folléa, urbaniste). Le Grand Projet de Ville des Hauts de Garonne est basé sur cette idée d’articuler les « vides » et les « pleins » autour de la ligne structurante du tramway : ensembles résidentiels de tailles modestes qui préservent les espaces verts, complémentarité des équipements collectifs, harmonisation de la voirie réalisée sous l’autorité de la CUB… Ainsi l’habitant de Carriet prendra le tram pour aller dans la future médiathèque du Bois Fleuri ou encore au marché de Cenon, celui de Floirac pourra se balader dans le parc de l’Ermitage en descendant par des « cheminements doux » depuis la station Buttinière, après un détour par la « Ferme des Iris ».

Construire des lieux forts et identifiables…

L’aménagement du territoire à l’échelle de l’intercommunalité repose sur un pari : faire changer d’échelle la perception du territoire à ses propres habitants en l’organisant autour de lieux emblématiques : le pôle des musiques du monde à Cenon, le pôle culturel de Lormont, les différents sites naturels du Parc de Coteaux sur les quatre communes, la M.270 à Floirac (et peut-être demain un Zénith ?). Dans le même temps, il s’agit de conserver et de développer dans les quartiers des équipements de proximité qui répondent, au plus près, aux besoins des habitants : aires de jeux pour les enfants, salles pour les fêtes de famille, petits commerces, locaux pour les associations, médiathèques de quartiers ou points-lecture où les élèves puissent étudier…

…sans délaisser les équipements de proximité

Le défi est d’articuler ces deux niveaux d’aménagement, de développer une identité commune, celle des « Hauts de Garonne » sans négliger celle, déjà fragile, des quartiers qui restent la première référence des habitants. Pour le tenir, la volonté politique et la réflexion urbanistique sont déjà là. Mais des éléments plus prosaïques sont également à prendre en compte : un financement à long terme pour développer et gérer les « petits » équipements de quartier, une bonne fréquence des tramways, la rapidité des correspondances entre les deux branches de la ligne à Buttinière… Et surtout, les déplacements entre entre Floirac, Cenon, Lormont, Bassens, doivent répondre à d’autres formes de besoins sociaux : le travail et l’emploi, bien sûr, mais aussi la recherche de zones commerces vivantes et diversifiées, de lieux de loisirs et de convivialité, autant d’espaces que les habitants ont à créer par eux-mêmes avec ou sans le conseil des professionnels de l’aménagement. Comme le dit l’urbaniste Alexandre Chemetoff, « le projet n’est pas une réponse, mais une façon de poser les questions autrement ». Comment les Hauts de Garonnais s’appropriront-ils l’espace que le tramway redéfinit autour de lui ? Seul l’avenir le dira.

Vincent Goulet

Cet article a été publié le 1er juin 2008 sur Aqui!

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